Le Grand Echo 18/04/1912

"Le Grand Echo" du jeudi 18 avril 1912

Le naufrage du "Titanic"
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Le plus grand désastre maritime connu
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IL Y AURAIT 1.562 MORTS
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Sur les 2.430 personnes que contenait le paquebot,
868 seulement auraient été sauvées.
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L'émotion à New-York. --- Un désastre pour
les Compagnies s'Assurances.

De tout l'amas confus de télégrammes qui nous parvient sur le naufrage du "Titanic", une seule certitude se dégage : c'est que ce naufrage constitue le plus grand désastre maritime de toute l'histoire.
Il apparait que le chiffre minimum des victimes dépasse quinze cents. Ce n'est pas sans un profond sentiment d'angoisse qu'on évoque la mort inattendue, affreuse, qui les surprit en pleine nuit dans le brouhaha et l'affolement les plus tragiques qui se puissent rêver.
L'inquiétude des familles des passagers, livrées à toutes les tortures de l'incertitude, n'est pas moins émouvante que la destinée de ceux qu'ils ne doivent peut-être plus revoir.
On ne connait pas encore exactement le nombre des disparus, mais le chiffre des survivants ramenés par les paquebots PERMET DE SUPPOSER QUE LE NOMBRE DES VICTIMES SERAIT DE 1562.

Les rescapés

Boston, 16. — Un radio-télégramme de l'"Olympic" dit que le "Carpathia" se rend à New-York avec 868 survivants du "Titanic", dont la plupart sont des femmes et des enfants. LA DEPECHE CONCLUT EN EXPRIMANT DES CRAINTES GRAVES POUR LES AUTRES PASSAGERS ET L'EQUIPAGE.
D'autre part, on télégraphie de Montréal au Lloyd, qu'on a pu sauver 675 passagers et 200 hommes d'équipage.
Enfin, une dépêche de New-York, reçue par la station de télégraphie sans fil de Cap-Race, donne une liste de 60 survivants, parmi lesquels figure M. Bruce Ismay, un des propriétaires de la "White Star Line".

Y A-T-IL DES SURVIVANTS A BORD D'UN AUTRE PAQUEBOT ?

Il faut, en outre, signaler qu'une dépêche de Saint-John (Terre-Neuve) annonce que le "Virginian" revient de Saint-John.
Le vapeur faisant route pour l'Europe, on espère que ce retour signifie qu'il y a des survivants à bord
De même, une dépêche de Londres, dit qu'il ya eu hier soir une lueur d'espoir quand un télégraphiste du poste de télégraphie sans fil à Sable-Island, à qui on demandait s'il était possible de faire parvenir des dépêches aux passagers du "Titanic", répondit que cela était dispersée sur plusieurs paquebots.
Des milliers de parents, d'amis des passagers se cramponnent avec acharnement à l'espoir que des navires autres que le "Carpathia" aient pu recueillir des survivants.
Mais on mande de New-York que l'administration de la White Star Line ne garde plus aucun espoir d'apprendre qu'on a pu sauver d'autres passagers que ceux qui se trouvent actuellement à bord du "Carpathia".

Une première liste de survivants

New-York, 16. — Voici une liste partielle, telle qu'elle a été télégraphiée à Cape Race, des passagers sauvés du désastre du "Titanic".
Mmes Edward W. Appleton, Rose Abbott, Mlles C. M. Burns, G. M. Buns, D. D. Casselbere, Mmes William Clarke, B. Chibinaco, Mlles E. G. Crossbie, H. E. Crossbie, Jean Hippact, Mmes H. B. Harris, Alex Halverson, Mlle Margaret Hayes, M. Bruce Ismay, M. et Mme Ed. Kimberley, M. F. A. Kenyman (ou Kenyon), M. Emile Kenchen, Mlle G. R. Longley, Mme A. F. Leader, Mlle Bertha Lavery, Mmes Ernest Linnes, Susan P. Ryerson, Mlle Emily B. Ryerson; Mmes Arthur Ryerson, John Jacob Astor; le jeune Allison et sa nourrice; Mlle Andrews.
Mlle Manette Panhart, Mlle E. W. Allen, F. M. Warner, Mlle Helen Wilson, Mlle Willard, Mlle Mary Wicks, Mme George D. Widdener et sa femme de chambre, Mme J. Stewart, Mlle Mary C. Lines, Mme Sigfrid Lindstrom, M. Gustave J. Lesneur, Mlle Georgietta Amadill. Mme Milicard, Mme Tucker et sa femme de chambre. Mme J.B. Thayer, M. Thayer Junior, M.H. Woolner, Mlle Annie Ward, Mme J. Stuart White.
Mme Marie Young, Mme Thomas Potter, Mme Edna S. Roberts, la comtesse de Rothes, M. C. Rolmane, M. et Mne D.H. Bailey, M. H. Blank, Mlle A. Barsina, Mme James Baxter, Mme George A. Bayton, Mlle C. Connell, M. et Mme J.M. Brown, Mlle C.C. Bowen, M. et Mme R. L. Beckwith, M. et Mme L. Henry, Mme W.A. Hooper, M. Mile, M. J. Flynn, Mlle Alice Fortune, Mme Robert Douglas, Mlle Hilda Slayter, M. H. Smith, Mme Brahan, Mlle Lucile Carter, M. William Carter, Mlle Roberts, Mlle Cummings, Mlle Minaham.

Encore des noms...

New-York, 16 — D'après une liste supplémentaire de survivants qui vient d'être publiée, le président de la Swiss Bankverein, ainsi que M. J-B. Thayer, président du Pensylvania Haliroad, et Mme N. Rothschild seraient sauvés.
On est sans nouvelles de M. W. T. Stead. On croit qu'il est parmi les noyés, de même que le major Butt, aide de camp de M. Taft.
M. William Thomas Stead est l'un des publicistes les plus connus de l'Angleterre et des Etats-Unis. Il dirige la célèbre revue "Review of Reviews", qu'il avait fondée en 1890 de même qu'il fonda en 1892 l'"American Review of Reviews". C'est un esprit audacieux et avancé. Il publia en 1885 un pamphlet violent intitulé : "Maiden tribute of modern Babylon", qui lui valut trois mois de prison. Après sa visite au Czar, en 1898, il prècha la croisade pour la paix et publia en 1899, un ouvrage sur les Etats-Unis d'Europe. On lui doit également des études sur le mouvement ouvrier, telles que : la "Guerre du travail aux Etats-Unis (1894) M. Stead avait fréquemment collaboré ces dernières années à quelques journaux radicaux de Londres notamment au "Daily Chronicle".
Il s'était lancé dans de curieuses expériences de spiritisme : ce fut à lui que l'on dut il y a un an et demi, une interview de l'esprit de Gladstone qui fit en Angleterre un certain bruit. M. Stead est agé de 63 ans.
M. Alfred Vanderbilt, que l'on croyait à bord du "Titanic", a télégraphié à sa mère qu'il était sain et sauf en Angleterre.
Parmi les passagers du "Titanic" qui ont été sauvés se trouvent le Colonel Alfons Simonius, président d'un établissement financier suisse, et le docteur Max Stahelin, directeur d'une société commerciale suisse.

Le colonel Astor noyé

Londres, 16. — Un câblogramme de New-York à l' "Evening News" annonce que le corps du colonel Astor a été retrouvé
Mme Astor est sauvée.
Le colonel John-Jacob Astor était né le 13 juillet 1864. Il était le petit-fils du célèbre fondateur de la dynastie des Astor, dont il portait les prénoms. Après avoir ses études à l'école de Saint-Paul et à l'Université Harvard, John-Jacob Astor s'était spécialisé dans la construction de palaces-hôtels : le Waldorf Asroria, le Saint-Regis, le Knickerbecker. Il fut nommé inspecteur général des volontaires après avoir offert au gouvernement des Etats-Unis une batterie complète d'artillerie au moment de la guerre avec l'Espagne. Il prit part à la guerre de Cuba, se trouva au siège de Santiago-de-Cuba et fut délégué par le major général Shafter pour communiquer au ministère de la guerre les termes officiels de la capitulation de cette place.
La colonel Astor avait à son actif diverses inventions mécaniques.
Il avait épousé en 1891 miss William Willing, dont il divorça en 1910. Il se remaria avec une jeune fille de 20 ans, à laquelle il reconnut 50 millions de dot. Ce mariage d'un quinquagénaire avec une jeune fille de 20 ans fit beaucoup de bruit dans la société américaine, et l'on se rappelle qu'une campagne fut menée pour empêcher la bénédiction religieuse, qu'un clergyman donna pourtant, moyennant 5.000 francs "pour ses pauvres".
Le colonel Astor quitta immédiatement l'Amérique avec sa juene épousée, et il revenait, comme nous l'avons dit, de son voyage de noces en Egypte et dans le Levant.

Un récit du naufrage

Le "Daily Mail" publie le récit suivant de la catastrophe :
"Le choc se produisit alors que les passagers se préparaient à dormir, après une monotone journée de dimanche. Immédiatement, des ordres énergiques furent donnés par les officiers et, en une demi-heure, les femmes et les enfants étaient placés dans les barques de sauvetage sur une mer absolument calme. Les hommes de l'équipage sont restés à bord, attendant les secours que le télégraphiste demande, sans aucun énervement, par la télégraphie sans fil. Lentement, avec l'aide des câbles de touage, le navire tente de se rapprocher de la côte. Tout est vain. Le "Titanic" a sombré à 4 heures et demi.
Après la collision, on imagine aisément le martyre qu'endurèrent tous ceux qui ne purent trouver un refuge et luttèrent désespérément au milieu des débris du navire et des glaces ballottées par les flots.

Comment fut annoncée la catastrophe
Le sang-froid de l'opérateur du télégraphe sans fil

Paris, 16. — Le "Matin", dans une édition spéciale reproduit la dépêche suivante :
" Halifax, (Nouvelle-Ecosse), 15 avril — Voici un relevé du carnet de l'opérateur de la station Marconi de Cap-Race, montrant de quelle façon les nouvelles de la catastrophe du "Titanic" ont tout d'abord été connues.
" Cap-Race, dimanche, dix heures vingt-cinq du soir. — On entend le "Titanic" faire des signaux de détresse auxquels répondent un certain nombre de navires, notamment le "Carpathia", le "Baltic", le "Caronia" et l'"Olympic".
" 10 heures 55 du soir. — Le "Titanic" a signalé : "Nous sombrons par l'avant".
" 11 heures 25 du soir. — Notre poste établit une communication avec le "Virginian", l'informe du besoin urgent de secours du "Titanic", lui indique sa position, etc... Le "Virginian" nous avise qu'il se porte immédiatement sur le lieu du désastre.
" 11 heures 36 du soir. — Le "Titanic" informe l'"Olympic" qu'il fait monter les femmes dans les embarcations et lui demande aussi de tenir ses embarcations prêtes.
" Pendant tout ce temps, le "Titanic" continue à faire des signaux de détresse et à indiquer sa position.
" L'opérateur du sans-fil, à bord du "Titanic" paraissait être absolument de sang-froid. Ses signaux ont continuellement été très nets; il a agit le mieux possible.
" Les derniers signaux reçus du "Titanic" sont de minuit 27.
A ce moment, le "Virginian" Annonçait qu'il avait reçu quelque signaux confus qui cessèrent brusquement.

LE CAPITAINE ET L'EQUIPAGE AURAIENT PERI

Le "Matin" publie également une dépêche de New-York disant que lorsque le "Carpathia", arriva sur les lieux du sinistre, il y trouva une flotille de bateaux de secours ballotés par de vilent remous.
Les rescapés avaient cruellement souffert du froid et de terribles émotions.
A PART LES PASSAGERS QUI SE TROUVAIENT DANS LES CHALOUPES, IL N'Y A PAS LA MOINDRE TRACE DES AUTRES PERSONNES QUI VOYAGEAIENT SUR LE "TITANIC".

L'état-major du paquebot

Voici la liste des officiers composant l'état-major du "Titanic".
Captain, E.-J. Smith, R-D. (commr. R. N. R.).
Médecin, W. F. N. O'Loughlin.
Médecin en second, J. E. Simpson.
Commissaires, H. W. Mc Elroy, R. L. Barker.
Chef steward, A. Latimer.

Les pertes
PLUS DE 28 MILLIONS DE DIAMANTS ET DE PERLES. -- PLUS LA VALEUR DU VAISSEAU ET DE LA CARGAISON.

Londres, 16. — Le naufrage du "Titanic" causera des pertes énormes à ses assureurs.
Outre la valeur du vaisseau, la cargaison comprend des diamants qui sont évalués à un million de livres sterling, soit 25 millions de francs, et des perles appartenant à une dame américaine, et qui seraient d'une valeur de 120.000 livres sterling, soit trois millions de francs.
Si le vaisseau a coulé en eaux profondes, la perte sera la plus considérable qui ait jamais frappé les assureurs.

La construction de ce bâtiment
a coûté près de 45 millions
de francs

Le "Titanic", dont le lancement fit tant de bruit dans la presse anglaise, est considéré comme le triomphe de l'architecture britannique. Il peut emporter 3.500 passagers et hommes d'équipage. 1.500 personnes peuvent y prendre leur repas en même temps. C'est une véritable ile flottante.
A bord se trouvent des bains turcs, des salles de jeu, des salons luxueux, t jusqu'à des appartements réservés pour des jeunes mariés qui voyagent durant la " lune de miel ". Les lits des chambres à coucher ont 1 m. 20 de large. Pour 22.000 francs -- prix de ces appartements -- on peut ainsi s'offrir le luxe d'un voyage sur l'océan, avec toutes les commodités qu'on trouve à bord d'un yacht privé. C'est le navire " dernier cri ".
Il est peut-être intéressant pour le lecteur de savoir ce qu'emporait ce géant de la mer à son départ de Southampton, le 10 avril. Voici une liste de ce qui fut embarqué à bord du "Titanic".
38.00 kilos de viande fraîche ; 35.000 oeufs frais ; 12.000 kilos de volaille ; 40.000 kilos de pommes de terre ; 7.000 litres de lait ; 1.200 litres de crême ; 5.000 kilos de sucre ; 250 barils de farine ; 10.000 kilos de légumes ; 12.000 bouteilles d'eau minérale ; 15.000 bouteilles de bière ; 10.000 bouteilles de vin ; 7.000 verres ; 25.000 pièces d'argenterie ; 5.000 couteaux ; 6.000 plats, assiettes, surtouts, etc.

L'émotion
A NEW-YORK

New-York, 16. — Lorsque la nouvelle de la gravité de la catastrophe se répandit dans la ville, elle y causa un grand émoi.
A 9 heures, une foule considérable était réunie devant les bureaux de la " White Star Line ", cherchant des nouvelles rassurantes, .....